Vous êtes artisan du bâtiment ou dirigeant d’une entreprise de BTP et vous souhaitez réaliser des travaux à votre domicile personnel. L’idée d’utiliser les ressources de votre propre société (employés, matériel, fournisseurs) est tentante. Est-ce légal ? Oui, mais cette pratique, appelée « livraison à soi-même », est extrêmement encadrée et doit respecter un formalisme rigoureux pour ne pas tomber dans l’illégalité.
Les infos à retenir
- ✅ Oui, c’est légal, mais très encadré : Vous avez le droit de faire travailler votre entreprise pour vous-même, à la condition impérative que l’opération soit transparente et facturée.
- ⚖️ La règle d’or : la facturation au juste prix. Votre entreprise doit vous émettre une facture au prix du marché, comme pour n’importe quel client. Se facturer les travaux à prix coûtant ou gratuitement est un abus de bien social.
- 💰 La TVA est obligatoire : Cette opération est une « livraison à soi-même » (LASM) qui est soumise à la TVA. Votre entreprise doit collecter la TVA sur la facture que vous lui payez, même si c’est pour votre propre maison.
- ⚠️ Le risque : le contrôle fiscal et URSSAF. Une opération non facturée ou sous-évaluée sera requalifiée en avantage en nature ou en rémunération déguisée par l’administration, avec de lourds redressements à la clé.
Pourquoi est-il indispensable de se facturer les travaux ?
C’est une question de distinction des patrimoines. Votre société est une personne morale distincte de vous-même, avec son propre patrimoine. Utiliser ses ressources (le temps de vos salariés, son stock de matériaux, son matériel) pour votre enrichissement personnel sans contrepartie financière est un détournement de l’actif de la société. Pour un dirigeant de société (SARL, SAS), cela constitue un délit d’abus de bien social (ABS), passible de sanctions pénales.
D’un point de vue fiscal, l’absence de facturation est considérée comme un avantage en nature ou une rémunération occulte. L’administration fiscale et l’URSSAF réintégreront la valeur des travaux dans vos revenus et y appliqueront l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales, avec des pénalités.

Comment établir une facture au « juste prix » ?
Le prix facturé doit être le prix normal du marché, c’est-à-dire celui que vous auriez facturé à un client lambda pour la même prestation. Il doit couvrir tous les coûts :
– Le coût des matériaux achetés auprès de vos fournisseurs.
– Le coût de la main d’œuvre (le salaire brut et les charges sociales de vos employés pour les heures passées sur votre chantier).
– Une quote-part des frais généraux de l’entreprise.
– Votre marge commerciale habituelle.
Faire une « ristourne » est possible, mais elle doit rester dans les limites d’un geste commercial que vous pourriez accorder à un bon client. Se facturer uniquement les matériaux est totalement insuffisant. En cas de contrôle, vous devez être capable de justifier votre prix par des devis similaires faits à d’autres clients.
Quelles sont les implications en matière de TVA ?
C’est un point crucial. La « livraison à soi-même » (LASM) de travaux immobiliers est une opération obligatoirement soumise à la TVA. Votre entreprise doit donc établir une facture TTC. Elle collectera la TVA que vous lui paierez, et devra la reverser à l’État. En contrepartie, elle pourra déduire la TVA qu’elle a elle-même payée sur les matériaux. Pour vous, particulier, le taux de TVA applicable dépend de la nature des travaux et de l’âge de votre logement (20%, 10% ou 5,5% pour la rénovation énergétique).
L’avis de l’expert-comptable
« L’artisan qui se fait sa salle de bain ‘au black’ avec sa société, c’est l’un des redressements les plus classiques. L’URSSAF et les impôts adorent ça. Ils comparent les factures d’achat de matériaux chez le fournisseur avec les factures de vente aux clients, et ils voient tout de suite le ‘trou’. La seule façon de faire les choses proprement, c’est de s’établir un devis, puis une facture en bonne et due forme, avec la bonne TVA, et de se faire un virement du compte perso vers le compte pro. C’est la seule trace qui vous protège. »
La transparence, seule protection contre les risques
Faire réaliser des travaux chez soi par sa propre entreprise est une excellente façon de maîtriser la qualité du chantier. Mais cette facilité ne doit pas faire oublier la rigueur juridique et fiscale. En agissant comme si vous étiez votre propre client – avec un devis, une facture au juste prix et un paiement tracé – vous vous protégez de tout risque de redressement. C’est le seul moyen de profiter de votre savoir-faire en toute légalité et sérénité.
Foire Aux Questions (FAQ)
🤔 Et si je suis micro-entrepreneur, les règles sont-elles les mêmes ?
La règle de la facturation au juste prix reste la même. Si vous êtes en franchise de base, vous facturerez en HT. Attention, le montant de cette facture entrera dans le calcul de votre chiffre d’affaires et donc dans le calcul de vos cotisations sociales et de vos impôts. Vous paierez donc des charges sur les travaux que vous avez faits pour vous-même.
🔧 Et si je fais les travaux moi-même, seul, en dehors de mes heures de travail ?
Si vous êtes seul (dirigeant de SASU ou EURL) et que vous faites les travaux vous-même le week-end, la situation est plus simple. Vous n’avez pas de main d’œuvre à facturer. Vous devez cependant a minima facturer à vous-même les matériaux achetés par la société, toujours au prix du marché et avec la TVA.
⚖️ Comment ça se passe pour l’assurance décennale ?
C’est un point très complexe. L’assurance décennale couvre les dommages sur un ouvrage que vous avez réalisé pour un client tiers. En cas de malfaçon sur les travaux réalisés chez vous, votre propre assurance décennale pourrait refuser de vous couvrir, car vous n’êtes pas un « tiers » par rapport à votre entreprise. Il est crucial d’aborder ce point avec votre assureur.








